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Introduction

L’œsophagite à éosinophiles (OE) est la cause la plus fréquente de dysphagie et d’impaction alimentaire chez l’enfant et l’adolescent, et la principale cause d’inflammation chronique de l’œsophage après le reflux gastro-œsophagien. Elle se caractérise par une réponse immunitaire anormale de la muqueuse œsophagienne vis-à-vis d’allergènes exogènes, se traduisant par une infiltration chronique de cette muqueuse par des polynucléaires éosinophiles (1). La prévalence de l’OE est en augmentation, estimée en Europe entre 40-56 cas pour 100 000 habitants (1-3). 

Détail

Signes révélateurs :

L’OE touche plus volontiers les sujets de sexe masculin (sexe ratio de 3/1) (2). La présentation clinique est différente selon l’âge. Chez le nourrisson, les signes cliniques sont non spécifiques, souvent apparentés au reflux gastro-oesophagien (difficultés alimentaires, vomissements, inconfort, mauvaise croissance staturo-pondérale). Chez l’enfant plus âgé, elle se manifeste par une dysphagie (70-80%), des impactions alimentaires, des douleurs rétro-sternales traduisant une évolution fibro-sténosante de l’œsophage (2,4,5). Différents scores permettant de mieux caractériser l’inconfort lié à cette dysphagie ont été proposés et sont une aide au diagnostic et dans le suivi (4,5).

Diagnostic différentiel :

La présence d’éosinophiles dans la muqueuse œsophagienne n’est pas pathognomonique de l’OE. D’autres pathologies peuvent s’accompagner d’une infiltration de l’œsophage par des polynucléaires à éosinophiles : le reflux gastro-œsophagien, les candidoses œsophagiennes, les parasitoses, certains traitements médicamenteux, la gastro-entérite à éosinophiles, la maladie de Crohn principalement. Devant un tableau clinique de blocage alimentaire, le diagnostic d’achalasie (méga-œsophage) doit également être considéré (5,6,7). Le diagnostic d’OE reste complexe et c’est l’histoire clinique, l’aspect endoscopique et histologique qui permettent de poser le diagnostic.

Examen endoscopique 

L’endoscopie œso-gastro duodénale avec biopsies est indispensable au diagnostic. Les aspects évocateurs sont  caractérisés par 5 critères majeurs : 

  • un œdème (diminution de la trame vasculaire) 
  • des dépôts ou exsudats blanchâtres «pseudo-candidosiques» – voir Figure 1
  • des sillons longitudinaux et pourpres (Figure 2)
  • un aspect pseudo-trachéal 
  • une sténose de l’œsophage 

et 1 critère mineur : 

  • muqueuse fragile et friable spontanément ou lors de la descente de l’endoscope

Ces critères sont repris dans le score de référence EREFS (Edema, Rings, Exsudates, Furrows, Stricture) (8).

La muqueuse peut néanmoins être macroscopiquement normale. Il est ainsi indispensable de réaliser pour assurer le diagnostic des biopsies étagées, au minimum 6 biopsies localisées à la partie proximale et distale de l’œsophage (1,5,6) mais également des biopsies gastriques et duodénales pour éliminer une gastroentérite à éosinophiles (1,5,6,7). 

Analyse histologique 

L’examen histologique après coloration à HES permet de chercher une infiltration de la  muqueuse œsophagienne par des polynucléaires éosinophiles :

  • ≥ 15 éosinophiles /champ au grossissement 400
  • formation de micro-abcès 
  • allongement des crêtes papillaires 
  • œdème 
  • hyperplasie de la couche basale
  • dégranulation des éosinophiles 
  • fibrose de la lamina propria

A l’état normal, il n’y a pas de polynucléaires éosinophiles dans la muqueuse œsophagienne (1,5,6,7).

Prise en charge thérapeutique 

Les options thérapeutiques sont :

  • Inhibiteurs de la Pompe à Proton (IPP) 
  • Corticoïdes déglutis 
  • Régimes d’éviction. 

Un traitement par IPP à la dose de 2 mg/kg/jour en 2 prises est recommandé durant 8 semaines avec un contrôle endoscopique systématique au décours (1,9). En l’absence de rémission histologique, deux attitudes thérapeutiques sont possibles : régime diététique et/ou corticoïdes déglutis, par préparation magistrale de budesonide (1 mg par jour en 2 prises en dessous de 10 ans et 2 mg/jour à partir de 10 ans) ou fluticasone dégluti (88 à 440 µg 2 à 4 fois par jour et 440 à 880 µg chez l’adolescent) (7).

Il peut être proposé une éviction guidée par le bilan allergologique (si celui-ci est contributif) ou une éviction des 4 ou 6 allergènes les plus fréquents (lait, blé, œuf, soja (ou légumineuses), arachide/fruits à coques, poissons/fruits de mer). La réintroduction progressive de chaque aliment sera suivie idéalement d’une endoscopie de contrôle avec biopsies. Chez le jeune nourrisson, la diète alimentaire par formule d’acides aminés peut être plus facilement proposée. La découverte d’une œsophagite à éosinophiles chez l’enfant et l’adolescent nécessite une consultation spécialisée d’allergologie. 

Dans les formes graves sténosantes, des dilatations œsophagiennes peuvent être réalisées avec un risque de perforation faible (1%) (1,7).

Références

  1. Lucendo AJ, Molina-Infante J, Arias A et al. Guidelines on eosinophilic esophagitis : evidence-based statements and recommendations for diagnosis and management in children and adults. United European Gastroenterol J. 2017 Apr ; 5 : 335-358.
  2. Vigier C, Henno S, Willot S, et al.  Eosinophilic esophagitis in children: Evaluation of practices through a multicenter study. Arch Pediatr. 2017 Apr ; 24 : 327-335.
  3. Dellon ES, Hirano I, Epidemiology and natural history of eosinophilic Esophagitis. Gastroenterology 2018 Jan ; 154 : 319-332. 
  4. Strauman A, Katzla DA. Diagnosis and treatment of eosinophilic Esophagitis. Gastroenterology 2018 Jan ; 154 : 346-359.
  5. Munoz-Mendoza D, Chapa-Rodriguez A, Bahna SL. Eosinophilic esophagitis clinical manifestations and differential diagnosis. Clinical Rewiews in Allergy and Immunology. 2017 Dec 30.
  6. Dellon ES, Gonsalves N, Hirano I, et al. ACG clinical guideline: evidenced based approach to the diagnosis and management of esophageal eosinophilia and eosinophilic esophagitis (EoE). Am J Gastroenterol 2013 ; 108 : 679-92.
  7. Papadopoulou A, Koletzko S, Heuschkel R, et al. Management guidelines of eosinophilic esophagitis in childhood. J Pediatr Gastroenterol Nutr 2014 ; 58 : 107-18. 
  8. Hirano I, Moy N, Heckman MG, Thomas CS, Gonsalves N, Achem SR. Endoscopic assessment of the oesophageal features of eosinophilic oesophagitis : validation of a novel classification and grading system. Gut 2013; 62:489-95.
  9. Molina-Infante J, Lucendo AJ. Proton pump inhibitor therapy for eosinophilic esophagitis : a paradigm Shift. Am J of Gastroenterol  2017 Dec ; 112 : 1770-1773