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Introduction

L’ingestion de corps étrangers est fréquente chez l’enfant autour de 2 ans. L’ingestion d’une pile bouton revêt une dangerosité particulière pour le larynx et l’œsophage. Le risque perforatif et sténosant apparait après 2 heures de stagnation dans ces organes. Une extraction en urgence est nécessaire. 

Détail

Les indications :

Le diagnostic d’ingestion est facile quand l’enfant ou un témoin peut rapporter l’accident. Des radiographies du thorax élargies au cou et de l’abdomen doivent être réalisées en urgence pour localiser la pile. L’aspect de double contour non crénelé différencie la pile d’une pièce de monnaie. Des clichés de profil sont conseillés pour s’assurer de l’absence d’autres corps étrangers en projection de la pile. 

Chez le jeune enfant, l’ingestion de pile peut passer inaperçue. Le diagnostic est alors évoqué tardivement devant des symptômes évoquant des lésions œsophagiennes ou trachéales : toux, dyspnée, syndrome de pénétration, dysphagie, douleur thoracique, hémorragie digestive… Comme l’interrogatoire est fréquemment peu contributif à cet âge, les radiographies doivent être réalisées même en cas d’ingestion douteuse.

Toute pile bouton bloquée dans l’œsophage doit être extraite endoscopiquement le plus rapidement possible. Les risques de complications augmentent après 2 heures de stagnation. Plus le diamètre de la pile est important, plus le risque est élevé que la pile reste coincée dans l’œsophage. Ce risque est majeur en cas de pile d’un diamètre ≥ 20mm et chez l’enfant de moins de 4 ans. 

Au-delà du cardia, les piles sont très rarement responsables de lésions cliniquement significatives (si elles n’ont pas stagné précédemment plus de 2 heures dans l’œsophage). Elles peuvent être extraites à 48h de l’ingestion si elles stagnent dans l’estomac. 

Les piles bâton (AA ou AAA) sont rarement ingérées. Elles peuvent néanmoins être responsables de lésions caustiques sévères voire mortelles. Il convient de les extraire rapidement selon le même schéma que les piles bouton.

 

Les complications :

Les recueils américains estiment que 6 à 15 piles sont ingérées annuellement par million d’individus (1). La majorité des “avaleurs” sont des enfants de moins de 4 ans ou souffrant de troubles du comportement (autisme, encéphalopathie). La très grande majorité des piles progressent dans le tube digestif sans créer de lésion. 

Les lésions muqueuses sont dues à l’arc électrique qui se crée entre l’anode et la cathode qui sont très proches dans les piles bouton, mais également par fuite des produits caustiques qu’elles contiennent. Les complications graves sont exceptionnelles, estimées à 0,6% des ingestions parmi 8648 cas répertoriés aux USA en 18 ans (1). Les complications les plus fréquentes étaient des fistules oeso-trachéales, des perforations et des sténoses nécessitant des dilatations. Cependant certaines ingestions peuvent être léthales (0,03% des ingestions) par rupture vasculaire, arrêt cardiaque ou respiratoire. L’hémorragie digestive haute ou basse est un signe d’alerte des ruptures vasculaires puisque dans 11/13 cas, elle précédait la rupture (2). En cas de suspicion de lésion vasculaire, un angioscanner peut aider à analyser la vitalité de la paroi vasculaire. 

Enfin, il existe des complications retardées jusqu’à 6 semaines après l’ingestion, notamment de spondylodiscite, fistule trachéo-oesophagienne, choc hémorragique, paralysie des cordes vocales par lésion du nerf récurrent, perforation d’un diverticule de Meckel avec péritonite. Les parents doivent en être informés et maintenir une surveillance prolongée des principaux symptômes d’alerte : fièvre, douleur ou hémorragie. 

 

Technique d’extraction :

L’extraction endoscopique devrait être réalisée par une équipe entrainée à prendre en charge des enfants. Du fait de la présence d’un corps étranger dans le tube digestif, il est nécessaire de réaliser l’extraction sous anesthésie générale après une intubation trachéale sous séquence rapide d’anesthésie. 

Quand la pile est dans le 1/3 supérieur de l’œsophage, l’extraction peut utiliser une endoscopie souple ou un laryngoscope rigide. Au-delà, l’endoscopie souple est préférable car moins traumatisante pour l’œsophage. 

Dans l’œsophage, il est difficile d’utiliser un filet de Roth qui ne peut s’expandre complètement. Généralement une pince à corps étranger (dent de crocodile ou assimilée) est plus efficace. La brûlure muqueuse, souvent tatouée du dépôt bleuté du lithium, peut rendre l’extraction difficile. En cas d’incarcération, les collègues ORL peuvent utiliser un laryngoscope rigide qui permet de maintenir l’œsophage en appliquant une force de traction supérieure. 

 

Suivi post ingestion :

Après l’extraction, l’œsophage doit être minutieusement examiné pour établir le bilan des lésions muqueuses, leur aspect circonférentiel éventuel qui pourrait favoriser une sténose ultérieure, localiser les faces atteintes, rechercher une perforation ou une pathologie sous-jacente (œsophagite à éosinophiles). En cas de lésions significatives, une antibioprophylaxie peut être discutée, voire une antibiothérapie complète. En cas de lésions œsophagiennes basses ou gastriques, un traitement par IPP pourrait aider la cicatrisation. 

Si la pile a franchi le pylore, l’endoscopie est inutile si l’enfant est asymptomatique. Ses parents peuvent le surveiller à domicile. En l’absence d’évacuation spontanée de la pile en 48 heures, une radiographie de l’abdomen permet de suivre son avancée dans l’intestin. En cas de symptômes thoraciques, des lésions œsophagiennes doivent être envisagées et des explorations endoscopique ou scanographique réalisées.

Références

  1. Litovitz T, Whitaker N, Clark L, et al. Emerging battery-ingestion hazard: clinical implications. Pediatrics 2010;125:1168–1177.
  2. Brumbaugh D, Kramer RE, Litovitz T. Hemorrhagic complications following esophageal button battery ingestion. Arch. Otolaryngol. Head Neck Surg. 2011;137:416; author reply 416-417.