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Fistule oeso-trachéale sur carcinome bronchique neuro-endocrine

Pierre MAYER¹˒², Cezar MATAU³, François HABERSETZER¹˒²
1 Service d’Hépato-gastroentérologie, Pôle Hépato-digestif, Nouvel Hôpital Civil, CHRU de Strasbourg, Université de Strasbourg, France.
2 Pôle Hépato-digestif, IHU de Strasbourg, Strasbourg, France.
3 Service de Pneumologie, Pôle de Pathologie thoracique, Nouvel Hôpital Civil, CHRU de Strasbourg, Université de Strasbourg, France.
e-mail de correspondance : pierre-emmanuel.mayer@chru-strasbourg.fr.

 

 

> Abstract

Les fistules œso-trachéales ou œso-bronchiques sont une complication rare des cancers de l’œsophage (5-15 %) et encore plus rare des cancers bronchiques (< 1 %). Elles sont la complication de maladies à un stade avancé mais peuvent aussi survenir lors de la réponse au traitement oncologique.
La prise en charge repose sur la pose d’une prothèse métallique couverte œsophagienne et/ou trachéale/bronchique.
Cette vidéo illustre la mise en place d’une prothèse œsophagienne couverte et sa fixation à l’œsophage à l’aide d’un macro-clip pour éviter sa migration.

  • Mots-clés : fistule œso-trachéale ; prothèse œsophagienne ; macro-clip ; pneumopathie d’inhalation.
  • Technique : endoscopie œso-gastro-duodénale.
  • Matériel : gastroscope Olympus HQ190 avec NBI et Near Focus (Tokyo, Japon) ; fil-guide droit Amplatz Boston Scientific (Boston, Massachusetts, USA) ; prothèse métallique œsophagienne couverte de 120 x 22 mm HANAROSTENT Life Partners Europe (Bagnolet, France) ; clip Padlock Steris Endoscopy (Mentor, Ohio, USA).

 

> Contexte

Les fistules œso-trachéales compliquant les cancers pulmonaires sont une entité rare. Alors que dans 5 à 15 % des cas les cancers de l’œsophage se compliquent de fistules avec le système trachéo-bronchique, moins de 1 % des cancers du poumon se compliquent de fistule avec l’œsophage [1,2]. Elles peuvent s’observer dès le diagnostic dans le cas de cancers bronchiques avancés, envahissant déjà les organes de voisinage, mais aussi émailler l’évolution de la pathologie, soit dans le cadre d’une progression tumorale soit plus rarement dans le cas d’une réponse importante au traitement avec fonte tumorale rapide et importante [3,4]. La clinique est principalement liée au passage du contenu œsophagien dans l’arbre trachéal et se manifeste par un toux, un encombrement bronchique puis une pneumopathie d’inhalation et une détresse respiratoire. La pose de prothèse métallique œsophagienne est le traitement de référence dans ce type de situation [5]. Il peut être proposé la pose de prothèse trachéale/bronchique lorsque la pose de prothèse œsophagienne ne suffit pas à occlure la fistule [6,7].

Ici, nous vous présentons le cas d’un patient présentant un carcinome bronchique neuro-endocrine à petites cellules médiastinal central d’emblée métastatique découvert en novembre 2020. L’évolution est rapidement marquée par une compression trachéale basse traitée par pose d’endoprothèse trachéale en Y. Une chimiothérapie par carboplatine et étoposide est ensuite débutée. Après le deuxième cycle, il apparaît un franc encombrement bronchique associé à des expectorations se compliquant rapidement d’une pneumopathie d’inhalation et d’une détresse respiratoire nécessitant le transfert du patient en réanimation. Le scanner thoraco-abdomino-pelvien réalisé alors retrouve une fistule œso-trachéale associée à une pneumopathie. Dans ce contexte, il est décidé un double geste endoscopique.

 

> Prise en charge thérapeutique

Après intubation oro-trachéale, une fibroscopie bronchique est réalisée pour désobstruction de l’arbre trachéal et amélioration de la ventilation du patient.
On procède ensuite à la réalisation de l’endoscopie œso-gastro-duodénale. L’œsophage est le siège d’une stase alimentaire importante obligeant dans un premier temps à un lavage prudent et à la mobilisation de corps alimentaires afin de repérer l’orifice fistuleux.
L’orifice fistuleux se situe dans le tiers supérieur de l’œsophage, faisant 2 centimètres de grand axe. On voit la prothèse trachéale et l’arbre bronchique à travers.
On place sous contrôle scopique un repère pour le pôle supérieur de la prothèse puis on met en place un fil-guide droit rigide Amplatz sur lequel on descend la prothèse œsophagienne couverte. Une fois la prothèse (120 x 22 mm) descendue, on réintroduit l’endoscope et on déploie celle-ci sous contrôle scopique et endoscopique.
Compte tenu du risque de migration du fait d’un calibre œsophagien normal et afin de fixer la prothèse, on décide de mettre en place un clip Padlock à l’extrémité supérieure de la prothèse. On attrape à l’aide d’une pince à biopsie standard le maillage du pôle supérieur de la prothèse œsophagienne ainsi que de la muqueuse œsophagienne et on tracte doucement le tout dans le capuchon du clip avant de larguer ce dernier.

 

> Messages importants

  • Les fistules œso-trachéales compliquant un cancer bronchique à un stade avancé ou dans les suites d’une chimiothérapie sont très rares (< 1 %).
  • Elles mettent en jeu rapidement le pronostic vital d’autant plus qu’elles surviennent sur des patients très fragiles.
  • Une prise en charge rapide et peu invasive est nécessaire avec la pose d’une prothèse œsophagienne couverte afin de couvrir l’orifice fistuleux.
  • Les complications liées à la procédure endoscopique sont estimées à 0-27 % et la mortalité est estimée à 0-12 %.
  • La mise en place de macro-clips pour fixer le pôle supérieur de la prothèse doit faire l’objet d’études dédiées.

 

> Références

  1. Spaander MCW. et al. Esophageal stenting for benign and malignant disease: European Society of Gastrointestinal Endoscopy (ESGE) Clinical Guideline. Endoscopy 2016; 48(10), 939-48.
  2. Balazs A, Kupcsulik PK, Galambos Z. Esophagorespiratory fistulas of tumorous origin. Non-operative management of 264 cases in a 20-year period. Eur J Cardiothorac Surg. 2008; 34(5), 1103-7.
  3. Spigel DR et al. Tracheoesophageal fistula formation in patients with lung cancer treated with chemoradiation and bevacizumab. J Clin Oncol. 2010; 28(1), 43-8.
  4. Gore E, Currey A, Choong N. Tracheoesophageal fistula associated with bevacizumab 21 months after completion of radiation therapy. J Thorac Oncol. 2009; 4 (12), 1590-1.
  5. Van Heel NCM et al. Esophageal stents for the palliation of malignant dysphagia and fistula recurrence after esophagectomy. Gastrointest Endosc. 2010; 72 (2), 249-54.
  6. Rodriguez AN, Diaz-Jimenez JP. Malignant respiratory-digestive fistulas. Curr Opin Pulm Med. 2010; 16(4), 329-33.
  7. Freitag L, Tekolf E, Steveling H, Donovan TJ, Stamatis G. Management of malignant esophagotracheal fistulas with airway stenting and double stenting. Chest 1996; 110(5), 1155-60.