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Dans un article intitulé : « Effect of colonoscopy Screening on risks of colo-rectal cancer and related Death » publié dans le NEJM le 9 Octobre par M Bretthauer et al pour le NordICC Study Group, les auteurs estiment les résultats décevants concernant la baisse du risque de cancer colorectal de 18% et une absence de résultat significatif statistiquement sur la baisse de la mortalité par cancer colorectal.

La SFED rappelle que la coloscopie, lorsqu’elle est réalisée selon les recommandations scientifiques et avec du matériel moderne par un professionnel compétent (gastroentérologue), est le moyen le plus efficace et le plus reconnu pour prévenir et dépister le cancer colorectal dans de nombreuses études scientifiques. Les études de cohortes montrent une réduction du risque de cancer de 40 à 69 % et de décès par cancer de 29 à 88% (1). 

La coloscopie est l’examen de référence du colon pour détecter des lésions précancéreuses (polypes) et les cancers colorectaux, en particulier chez les patients à haut risque. L’exérèse des polypes permet de réduire le risque de cancer et de mortalité par cancer de 53 % (2).

Les résultats présentés dans cette étude randomisée comparent 2 groupes : un groupe dans lequel la coloscopie est recommandée et un groupe dans lequel aucun dépistage n’a été effectué. Les auteurs constatent que les résultats de la coloscopie sont sous-estimés.  

On peut relever dans cette étude plusieurs éléments permettant d’expliquer ces résultats décevants. 

Tout d’abord, dans le groupe coloscopie seules 42% des personnes ont effectué cet examen, ce qui confirme que l’impact de la coloscopie ne peut être évalué que chez les personnes qui la réalisent effectivement. Avec un taux de participation entre 58 et 87% dans les études randomisées utilisant la sigmoïdoscopie, ces données peuvent sans doute expliquer les résultats supérieurs obtenus avec cet examen en termes de réduction de mortalité (2). La coloscopie est plus ou moins bien acceptée dans les populations, les performances de cet examen sont directement liées à l’adhésion de la population. Aux États-Unis, la coloscopie est le moyen de dépistage le plus répandu contrairement à la Pologne ou la Norvège.  

Ensuite, les critères de qualité de la coloscopie sont des éléments très importants qui retentissent de manière importante sur l’impact en termes de prévention et de réduction de mortalité plusieurs années après la réalisation de l’examen. Ces critères de qualité sont très hétérogènes autour du globe. Ils dépendent de manière importante de la compétence de l’endoscopiste, de sa maîtrise des outils de détection et de résection des polypes. Dans cette étude près de 30% des endoscopistes avaient un critère de qualité majeur (le taux de détection des adénomes) inférieur à 25% qui correspond habituellement à celui recommandé et reconnu sur le plan international (aux États-Unis, le taux moyen de détection est de 40%).

On peut également noter que dans l’analyse per protocole ajustée qui ne prend en compte que les personnes ayant réalisé la coloscopie, il existait une réduction de l’incidence du cancer colorectal de 31% et de la mortalité de 50%. Ceci est cohérent avec les études de cas-contrôle et de cohortes précédentes.

La réduction de l’incidence per protocole 3 fois supérieur en Norvège par rapport à la Pologne suggère que des patients à haut risque ou des patients symptomatiques étaient surreprésentés dans le groupe coloscopie en Pologne sans doute incités à réaliser cet examen en raison d’une symptomatologie. Le taux de cancer colorectal plus élevé dans le groupe coloscopie par rapport au groupe non dépistage confirme cette hypothèse. Ceci explique la sous-estimation de l’impact de la coloscopie. 

Ainsi l’effet de la coloscopie chez certaines personnes pourrait être décalé dans le temps et les résultats de cette étude seront réexaminés à 15 ans. 

En conclusion, les résultats de cette étude méritent une analyse approfondie et des explications de la part des auteurs, ils ne doivent pas être mal interprétés. La coloscopie n’est efficace en terme de réduction du risque de cancer et de mortalité uniquement chez les personnes qui la réalisent dans des conditions qui correspondent aux critères de qualité actuellement reconnus (4).

 

Dr Eric VAILLANT

Vice-président de la SFED et président de la commission dépistage et prévention des cancers.

 

Reference :

  1. Ladabaum U, Dominitz JA, Kahi C, Schoen RE. Strategies for colorectal cancer screening. Gastroenterology 2020; 158: 418-32.
  2. Zauber AG, Winawer SJ, O’Brien MJ, et al. Colonoscopic polypectomy and long-term prevention of colorectal-cancer deaths. N Engl J Med 2012; 366: 687-96.
  3. Brenner H, Stock C, Hoffmeister M. Effect of screening sigmoidoscopy and screening colonoscopy on colorectal cancer incidence and mortality: systematic review and meta-analysis of randomised controlled trials and observational studies. BMJ 2014; 348: g2467.
  4. Critères de qualité de la colocopie. CNP-HGE SFED 2018